Quand j'étais petite j'ai été très précoce. Je savais paraît-il lire à deux ans et écrire à trois ans. Que je savais lire et écrire avant l'âge de trois ans est sûr, puisque je me souviens moi-même que ma mère voulait me mettre à Pâques, c'est à dire à même pas quatre ans, à l'école et déjà quand elle disait cela avec un an d'avance (je me souviens qu'elle disait : "L'année prochaine, à Pâques!"), je savais déjà lire et un peu écrire.
Au plus loin que je me souvienne avoir eu un livre entre les mains, je sais avoir su le lire et ne jamais avoir regardé seulement les images comme font les enfants actuellement.
Par contre, à l'inverse, quand ma mère a voulu me montrer les lettres en détail et que j'ai appris les lettres en détail à l'école, on me disait, tu vois là "C'est un O, c'est un A", moi, je me demandais pourquoi on me disait cela, parce que je le savais déjà depuis longtemps.
J'ai sauté une classe (= eine Klasse überspringen) entre le CP et le CE1*, c'est à dire que je suis passée directement de la fin du premier trimestre de CP au début du deuxième trimestre de CE1. Donc, j'ai sauté une classe en cours d'année parce que j'avais 10/10 (= la meilleure note)partout sur mon bulletin du premier trimestre en CP.
J'ai commencé le solfège à l'âge de cinq ans et je me souviens de mes premiers cours avec le Solfège des Solfèges et que j'avais des cahiers sur lesquels j'écrivais les notes en lettres : do, sol, do, sol, en dessous des portées. J'ai appris ensuite la clef de fa et à 7 ans, j'ai commencé le piano en lisant très vite les deux clefs. Donc à 7 ans, je dominais trois systèmes de lecture : l'écriture latine, la clef de Sol et la clef de Fa. Si on m'avait appris l'alphabet cyrillique, l'alphabet grec et l'alphabet chinois à cet âge-là, c'est sûr que j'aurais été preneuse... et que je les aurais peut-être appris vite, mais ce n'est qu'à l'âge de dix ans que j'ai commencé mes premières langues étrangères ensemble : l'anglais et le latin. Qui avaient toutes les deux un système d'écriture latin.
Le latin m'a vite ennuyée, je préférais le latin du missel qui était écrit sur de belles pages fines et presque transparentes avec une tranche dorée au latin de l'école. Je crois que j'étais sensible à la beauté du papier qui me donnait envie d'apprendre.
A six ans, je m'ennuyais pendant la partie des vacances passé à la maison, je me souviens qu'à un moment j'étais seule, sans doute parce que mon frère qui avait changé d'école (dans son ancienne école on se battait toujours, et il avait souvent sa blouse grise déchirée), pourtant les copains trois ans plus jeunes que lui étaient mes anciens copains de l'école maternelle, ceux qui me défendaient, mais ça devait être des plus grands qui le battaient. Dans sa nouvellé école, il y avait aussi un collège et un lycée et il devait avoir la rentrée en même temps qu'eux, alors que nous ne rentrions que le 1er octobre (mais on n'avait ni vacances de Tousaint, ni vacances de Février).
Donc j'ai du passer une petite période de vacances sans lui, à moins qu'il était partie jouer chez le voisin... Et je courrais vers la cuisine à 6 heures précises du soir en disant : "Maman, j'ai six ans, il est six heures et je m"ennuie" et un cafard extraordinaire m'envahissait comme si j'avais été une personne très âgée qui avait sa vie derrière soi, alors que j'étais très jeune, mais hantée par l'idée de la mort, et je sentais sur moi tout le poids de la vie.
C'était l'époque où on écoutait à la radio des émissions pour les grands : "La minute de Jean Nochet" tous les jours, et le week-end "Les maîtres du mystère" et "La tribune de l'Histoire", où l'on parlait de choses qui m'intriguaient et me fascinaient comme Mayerling et l'histoire de Sissi, mais ce n'étais pas la Siisi des films, c'étaient celle qui devant une fenêtre ouverte que je m'imaginais (en fait je la voyais debout devant la fenêtre de la salle de séjour qui donnait sur la cour) lisait des poèmes d'une mélancolie suprême. Ecrivait des lettres et revevait des lettres qui parlait de tristesse et de mort.
A dix ans, juste avant notre départ de l'ancienne maison, notre jeu principal était d"écrire des lettres, on avait installé une boîte aux lettres au fond du jardin et on échangeait des lettes avec nos voisins, qui avaient en moyenne trois ans de plus que nous. Mon voisin était déjà lycéen et m'envoyait de superbes poèmes de Baudelaire, en m'écrivant "Tiens, puisque tu m'as écrit que tu aimais la poésie, voici quelques poèmes de Baudelaire". Les poèmes étaient recopiés à la main d'une petite écriture fine, beaucoup plus belle que celle de mon frère, qui écrivait aussi mal qu'un docteur. Bien que je ne comprenais pas tout ce qu'il y avait dans ces poèmes, ces mots poétiques me fascinaient.
Puis, on a déménagé, et ma vie en fut complètement différente, nouvelle ambiance, murs qui sentaient le neuf et le plâtre frais (on ne pouvait pas tapisser dessus avant un ou deux ans, pour que le plâtre soit bien sec). une chambre (petite) pour moi toute seule, de nouveaux voisins, surtout des voisines. Il faisait aussi beaucoup plus clair dans la maison, elle était moins mystérieuse que l'ancienne maison qui avait à l'époque 70 ans (donc datait de l'industrialisation textile et de 1890). On était passé de la première moitié du vingtième siècle aux années 60.
Je suis passée en même temps que le déménagement en sixième et à l'école secondaire, je me suis trouvée tout à coup moins douée, et ce n'est que vers l'âge de 15 ans en première, et un peu avant quand j'ai commencé à écrire, que j'ai renoué avec des talents de surdouée, surtout pour la poésie. Entre temps en quatrième et en troisième j'étais seulement "le crac en maths" célèbre dans toute l'école, une espèce d'Einstein qui résolvait en troisième les problèmes de mes camarades de 1M et M' (en fait la première S actuelle), et servait de conseillère mathématiques aux filles de cette classe. J'ai perdu ma réputation en première lorsque lors d'une composition effectuée en état de grippe hivernale, mes neurones atteint par une terrible fièvre quarte, avaient refusé obstinément de fonctionner, me léguant un horrible 0/20 qui fut ma note trimestrille qui "ne correspondait pas à mes possibilités", et était contrebalancée par un superbe 19,75/20 en physique, le problème d'optique m'ayant donné cinq points d'avance sur la deuxième de la classe. Et qui plus est : La classe scientifique ayant eu le même problème, personne n'avait su le faire... car elles avaient toutes fait le shéma à l'envers, en oubliant de croiser des faisceaux lumineux.
Voilà, ce que je voulais dire est que, ce n'est pas parce que petit on est surdoué (mes tests d'intelligence actuels ne me donnent plus qu'une "intelligence supérieure", que l'on fera une grande carrière ensuite.
Si jadis et encore dans les années 50/60, une carrière de professeur du secondaire, était quelque chose de bien, une grande carrière, et d'ailleurs dans les années 60 on respectait beaucoup nos professeurs qui étaient détenteurs d'un savoir, actuellement être professeur du secondaire, aux yeux de la population, ce n'est plus rien (c'est certes mieux que rien, et mieux que le chômage, mais ce n'est plus rien...). Donc, ce n'est pas parce que l'on est surdoué quand on est petit, que l'on fera une grande carrière et que l'on réussira dans la vie.
Au contraire, le surdoué va toujours se poser mille questions, là où les autres ne s'en posent pas, là où les autres foncent sans égards pour ses congénères, le surdoué essaie d'avancer avec tact,sans blesser personne, et si par hasard il blesse quelq'un, cela le chagrine. Il se perce un chemin étroit au travers de la foule, qui lui permet parfois de dépasser quelques autres, mais les autres lui volent ses bonnes idées, s'en servant pour eux-mêmes sans dire d'où elles viennent. Et il se sent frustré, car il voit toutes ses bonnes idées lui échapper.
dominique amalia
* Pour les étrangers, le CP qui est l'abbréviation du Cours Préparatoire, est la première classe d'école primaire de 6 à 7 ans. Et le CE1 est la deuxième classe de l'école primaire de 7 à 8 ans. J'ai donc abordé le deuxième trimestre de CE1 en janvier à l'âge de six ans et demi. Et mon CE2 à l'âge de 7 ans.
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