mercredi, novembre 21, 2007

Le voyage en ALSACE (1956) : préface.

LE VOYAGE en ALSACE (1956)

Préface
Je viens de commencer à lire un livre où il est question d’une petite fille sur le chemin de l’Alsace. En voyant la pancarte Verdun sur l’autoroute, les parents ont peur que la petite fille de dix ans soit choquée par le fait qu’il y ait eu 500 000 morts à Verdun. Bien sûr, c’est choquant. Mais elle a dix ans. Elle est grande. A dix ans on devrait savoir cela. Choquée ??? Pauvre petite fille. On cache aux enfants de dix ans qu’il y a eu des guerres ? Elle devrait le savoir depuis longtemps.


Cela me rappelle, le temps où j’avais 5 ans.

On n’était pas choqué de cela. Car on savait depuis longtemps que mon vrai grand-père paternel était mort à Verdun. Et qu’il était l’un de ces morts. Un parmi beaucoup d’autres. Leur nombre, on ne le savait pas. Pour nous savoir cela était une habitude. La guerre, la deuxième, on nous la servait à tous les repas du dimanche. Et la première parfois ma grand-mère paternelle en parlait. Mais discrètement. Elle était remariée. Mon père nous parlait de son vrai père, quasiment inconnu de lui. D’après ce que sa mère lui en avait raconté.

Et en 1956, on est allé en Alsace. On s’est arrêté sur le chemin de l’aller à Verdun. J’avais cinq ans.
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Ici, j'ai voulu montrer la différence entre une petite fille moderne, de 10 ans, surprotégée psychologiquement, et une petite fille de 5 ans d'il y a 50 ans, qui était plus proche des guerres mondiales que de l'époque actuelle. Et à laquelle, même si elle était surdouée, on ne faisait aucun cadeau, que l'on épargnait pas psychologiquement. Cette petite fille de 5 ans, c'était moi.
dominique-amalia

Chapitre 1 : la deux-chevaux, les vivants et les morts.

On est allé aussi en Alsace. J’avais cinq ans.

Et l’histoire que je raconte ici est vraie, c’est la mienne.

C’était la première fois de notre vie que nous quittions le Nord-Pas-de-Calais.

Les deux années précédentes on était allé en vacances au bord de la Manche, dans le Pas-de-Calais. Mon père n’avait pas encore de voiture, alors on était conduit par un de ses amis.

Puis, dans le courant de l’année 1956, mon père a acheté une deux-chevaux et puisque ma grand-mère maternelle était d’origine alsacienne, et qu’elle allait tous les ans passer quelque temps en Alsace, mes parents décidèrent de consacrer leurs vacances à ma grand-mère alsacienne et de partir un mois en Alsace avec la deux-chevaux. Ma grand-mère nous a rejoint quelques jours plus tard en train. Mon père alla la chercher à la gare. Et on logeait dans un village au fin fond d’une vallée, ma grand-mère dormait à la pension de famille du village tandis que moi, mon frère et mes parents - ma deuxième petite sœur était encore dans les limbes, et la première petite sœur venait d’y repartir avant même que d’être née- on logeait dans une maison que mon père avait louée.

Mais je vous raconterai cela plus loin….

Et à cause de la petite soeur qui était dans les limbes, je me posais plein de questions au sujet de l’éternité, de l’infini, de l’immortalité, de l’âme, de ceux qui n’ont pas d’âme parce qu’ils n’ont pas été baptisés, de ma première petite sœur qui n’était pas allée au Paradis parce qu’on n’avait pas eu le temps de la baptiser… Et je ne savais pas encore que j’en aurais une autre. Qu’est-ce qu’elle allait devenir ? Et il y avait au cimetière une petite croix peinte en rose qui était la tombe de ma première petite sœur dans le Carré des Anges.

Alors qu’il y ait eu beaucoup de morts à Verdun, ça ne me choquait pas plus que la mort de ma petite sœur qui n’avait pas d’âme parce qu’on n’avait pas eu le temps de la baptiser et que mon grand-père paternel était mort là-bas, c’était comme lire dans un livre d’histoire. Elle aurait du naître à Pâques de cette année-là et aurait du s’appeler Pascale puisque c’était une fille, et Pascal si elle avait été un garçon. Ma grand-mère paternelle s’était remariée, j’avais quatre grands-parents quand même, et, même si mon parrain n’était pas mon vrai grand-père, on l’aimait comme s’il était notre vrai grand-père.

Alors j’avais un troisième grand-père dans une tombe là-bas en Lorraine, une tombe que j’allais bientôt connaître. Et c’est là que j’allais connaître la vie de celui dont ma grand-mère paternelle, celle du Nord, disait qu’il chantait si bien. De mon grand-père qui était mort, on disait jeune, à 26 ans. Mais comme tout est relatif, pour moi qui avais cinq ans, c’était vieux.

Chapitre 2 : Sur la route de Verdun...

Mais nous ne sommes pas encore en Alsace.

A cette époque là, on ne prenait pas l’autoroute.

Peut-être qu’on le prenait jusqu’à Carvin.
C’était là que s’arrêtait l’A1,
Qui péniblement
Au cours des ans
Se frayait un chemin,
Jusqu’à Paris.
Tout ce dont je me souviens
C’est qu’on s’arrêta à Verdun.

Oui, il fallait faire quelque chose pour mon père, puisqu’on allait consacrer les vacances à ma mère et à sa mère, ma grand-mère maternelle, alsacienne, à laquelle je ressemble de plus en plus, d’ailleurs.

Alors on s’est arrêté à Verdun pour mon père. Mon père nous a expliqué que c’est là que son père était mort. Que c’était notre vrai grand-père. Et son vrai père. On savait déjà beaucoup de choses de l’enfance de mon père, et qu’il avait été défavorisé par son deuxième père, que son deuxième père préférait son demi-frère, son fils à lui… Que mon père avait une grosse tête et une immense mémoire comme son père tué à la guerre, qui chantait bien et ne faisait aucune faute d’orthographe sur les cartes qu’il avait envoyées de la guerre, et avait un beau style, à l’ancienne.

Chapitre 2 (1) : Les trous d'obus...

A Verdun, on avait regardé la forêt, on n’avait pas le droit de quitter le bord de la route et d’aller dans la forêt. Comme dans les forêts du Nord, il y avait plein de cratères. C’étaient les trous de bombe. Recouverts de tapis de feuilles mortes. Et si dans les forêts du Nord, on avait le droit de glisser sur les pentes des trous de bombes, ici, on ne pouvait pas, car 40 ans après la première guerre mondiale, le terrain était encore miné. Cependant des petits chemins s’enfonçaient dans la forêt.
dominique

Chapitre 2 (2) : Douaumont

Puis on est allés à Douaumont et à l’ossuaire de Douaumont. On a cherché la tombe de mon grand-père près d’un immense monument autour duquel il y avait un immense cimetière. Que toutes les tombes soient pareilles, cela ne nous étonnait pas, Avec mon père, on visitait tous les cimetières militaires du Nord-Pas de Calais. Dès que, lors d’une promenade dominicale en voiture, on passait devant un cimetière militaire, il fallait y entrer. On savait tout des nations qui avaient participé aux deux guerres mondiales. Il y avait partout des cimetières américains, canadiens, allemands, anglais, français. Dans certains, il y avait des cimetières avec des soldats de plusieurs pays. Et on était déjà allés à Notre-Dame de Lorette. Sur les plages belges et les plages du Nord, on visitait les blockhaus. On jouait à cache-cache dedans. On était petit, mais on savait tout de la guerre. On jouait même à la guerre.

Chapitre 2 (3) : Mon grand-père paternel.

On n’a pas trouvé la tombe de mon grand-père à Douaumont, mon grand-père avait été blessé et ramené sur l’arrière. Et est mort deux jours après qu’un obus ait éclaté à un mètre de lui. Sans blessure apparente. Sans doute d’une hémorragie interne.

Mon grand-père avait eu une marraine de guerre près de Paris. Il lui écrivait à elle, dans l’espoir qu’elle donnerait un jour ses lettres à sa famille parce que sa famille était de l’autre coté du front, et on ne traversait pas le front pour aller en permission, le courrier non plus ne passait pas le front ; ma grand-mère avec mon père âgé de deux ans était sans nouvelles de son mari depuis que le front s’était refermé. Et que le Nord était occupé.

Mon grand-père était revenu de permission quelques jours avant sa blessure, il disait dans sa dernière lettre qu’ils étaient dans le feu, que ça tirait beaucoup, qu’ils attendaient les renforts anglais pour les relayer, renforts qui n’arrivaient pas. Qu’il espérait que ça cesserait bientôt. Et ça a cessé pour lui rapidement… mais pas pour les autres, ceux qui sont revenus parfois éclopés.

Mais tout cela, je ne le savais pas exactement. Je l’ai lu plus tard. Quand ma mère a commencé à me montrer le courrier du père de mon père. Tout ce que je savais, c’était que le mari de ma grand-mère n’était pas mon vrai grand-père, que mon grand-père avait été tué dans la guerre de 14-18, qui fut une guerre de tranchées. Avec des obus et des gaz. Et qu’il chantait bien. Comme mon père. Avec la même voix que lui. C’était ma grand-mère qui le disait. Ma grand-mère qui aimait son premier fils, le fils de Georges, autant que son deuxième fils, le fils de Joseph. Joseph était belge : Après la guerre, il n’avait peut-être plus assez d’hommes français pour se remarier.

Chapitre 2 (4) : La tombe de mon grand-père

Bref, on n’a pas trouvé la tombe de mon grand-père à Douaumont, mais il est enterré pas loin de Verdun. Avant d’aller sur sa tombe, on a visité l’ossuaire de Douaumont. Puis, on est allé là-bas, dans un petit cimetière au bord de la Meuse, un petit cimetière d’une centaine de tombes où il y avait de grands sapins. On y est retourné une fois quand j’avais quatorze ans, c’est pour cela que j’ai retenu l’emplacement, et que j’y suis retournée plusieurs fois depuis que je suis mariée. La dernière fois, il y a environ six, sept ans, les grands sapins avaient été enlevés, on n’a plus retrouvé le Livre d’Or, même si la boite pour le mettre était encore là. C’était au printemps, et il neigeait presque, rien de la chaleur riante, que l’on avait vu les fois précédente, rien de cette impression de protection que donnaient les grands sapins, la vallée de la Meuse balayée par le vent. Mon grand-père avait été tué en juin, sous le soleil.

Si, on a trouvé la tombe de mon grand-père, dans ce petit cimetière protégé par les sapins, au bord de la Meuse, des sapins qui nous donnaient une impression de grandeur. Il y avait un grand monument dans le fond du cimetière, devant les sapins, et sur chaque tombe un rosier. Avec des roses d’un rose foncé, un rose fushia. Ces rosiers là sont restés longtemps, il y en avait encore quelques uns lors de mon dernier passage.

Mes parents prirent des photos.

Et on a photographié la tombe à chacun de nos passages ultérieurs. Par tradition familiale.

Cela faisait drôle de voir une tombe avec mon nom de famille. C’était la seule tombe de la famille où il y avait notre nom de famille. Peut-être pas, peut-être que près de chez nous, il y avait encore la tombe de mon arrière-grand-mère. Mais je ne m’en souviens plus bien. Il y avait celle de la tante Léonie, qui était de la famille du père de mon père, c’était une grand-tante ou une arrière-grand-tante, mais je ne me souviens que de cette seule tombe avec mon nom de famille, pour les tombes qui étaient dans le Nord.

Chapitre 2 (5) : Verdun, comment j'ai calculé à quel âge mon grand-père était mort

A cinq ans je savais lire et calculer, c’est pourquoi, je savais que mon grand-père était mort à 26 ans. Dans ma petite tête de 5 ans, j’avais déjà fait la soustraction entre 1890 et 1916. Pour faire 1900 à partir de 1890, il fallait 10, plus 16, cela faisait 26. Mon grand-père était mort à 26 ans. Je venais d’avoir eu le Premier Prix d’Excellence, et le Premier Prix d’Honneur, avec un livre de Prix qui représentait une pomme et était coupé en forme de pomme, et que je savais lire entièrement et sans aide. Je savais lire déjà à 3 ans et demi, je me souviens de ma mère qui disait qu’on me mettrait à l’école à Pâques, quand j’aurais quatre ans, parce que je savais déjà bien lire et à peu près écrire. Mais j’ai eu la coqueluche à quatre ans. Moins fort, parce que j’étais vaccinée. Moins fort que ma sœur l’a eue dans les années 60. A cause de la coqueluche, je ne suis rentrée à l’école qu’à presque quatre ans et demi, le premier octobre 1955. Je lisais, d’après les légendes, depuis l’âge de deux ans.

J’avais le premier prix d’excellence de la deuxième année de l’Ecole Maternelle (plus tard, j’ai sauté une partie du CP et une partie du CE1, et j’ai eu un an d’avance). J’avais aussi le 1er prix d’honneur ex-aequo avec mes gardes du corps et mes défenseurs, Pierre-Yves, Gilbert et Xavier, qui est devenu prof de guitare, ils me défendaient contre les filles qui étaient jalouses et qui me fourraient la tête dans le bac à sable quand ils n’étaient pas là.

A Noël j’avais joué Sambo Noir, on m’avait grimé la tête en noir, avec de la cendre ou quelque chose comme cela. Je ne sais plus l’histoire, mais j’avais du apprendre par cœur un texte que je savais lire.

Aux prix, j’avais déclamé un long poème copié par l’institutrice, Mme Madeleine, et que j’avais du aussi apprendre par cœur : C’était « le petit vieux et la petite vieille ». J’avais une mantille noire sur la tête, une jupe de ma mère qui m’allait jusqu’aux pieds, des lunettes avec des trous à la place des verres, et je devais tendre un boîte vide de prises de tabac à Pierre-Yves qui déclamait l’autre moitié du poème.

Alors j’ai su lire que mon grand-père avait le même nom de famille que moi, et j’ai su calculer que mon grand-père était mort à 26 ans. En regardant sa tombe, près de Verdun. A cinq ans.

Chapitre 2 (6) : Verdun, le Fort de Vaux.

Mais revenons à Verdun. Après avoir visité la tombe de mon grand-père, on est allé au fort de Vaux, c’était là qu’était mort mon grand-père. On a visité le fort de Vaux, c’était impressionnant, ce bâtiment inquiétant qui avait l’air d’être en béton, avec plusieurs portes en fer. On est allé dans une tranchée, voir comment c’était. Ma mère a acheté des photos souvenir dans une petites enveloppe en carton, avec la face avant de l’enveloppe trouée qui laissait voir la première photo. C’était comme des cartes postales miniatures, elles étaient en noir et blanc.

Si on a fait tout cela dans l’ordre chronologique où je le décris ici, je ne m’en souviens plus, peut-être qu’on a d’abord visité le fort de Vaux, qu’ensuite on est allé à Douaumont, puis sur la tombe de mon grand-père, puis qu’on a regardé les trous d’obus dans la forêt. J’avais cinq ans, c’est loin, il y a plus de cinquante ans de cela. Mais à cinq ans on visitait les lieux de mémoire avec ses parents. C’est peut-être mieux que de l’apprendre brutalement en classe à l’âge de quatorze ans…

Chapitre 3 : Deux-chevaux et Taunus.

Puis, on a repris le chemin de l’Alsace, vous voyez que pour nous le chemin de l’Alsace a été assez long, on mettait deux jours pour y aller, avec la pause à Verdun, et la Deux Chevaux grise (on ne disait pas encore une Deudeuche). Tant que j’ai été à la maison, mon père a eu successivement cinq voitures dont le standing suivait son ascension sociale : une deux-chevaux grise, dont je me souviens encore du numéro d’immatriculation, mais je vous en épargnerai la lecture ici, une deux-chevaux bleue, avec un coffre en dur (la première avait un coffre et un toit bâché, c’est à dire que le toit et le coffre étaient en toile grise. C’était la deux-chevaux avec laquelle on partait pour l’Alsace, celle dont le moteur allait rugir dans l’ascension du Col du Bonhomme. Une véritable expédition. Ensuite mon père a eu deux Taunus, on est allée avec la 12 M, qui avait des yeux de chinois à l’arrière, dans le Massif Central, et avec la 15 M, je ne sais plus où, car je ne sais plus quelle époque de ma vie d’adolescente elle a recouvert, et quand on l’a achetée exactement. Les deux Taunus étaient blanches. Puis quand j’étais presque mariée on a eu une R16 prune. Mon frère quand il a eu son permis a hérité successivement de la Taunus 12M, puis de la Taunus 15M. Il s’en servait pour aller à l’université quand il était étudiant. Mon père préférait lui donner ses anciennes voitures bien entretenues, plutôt que de lui acheter une occase mal entretenue.

La deux-chevaux bâchée grise a fait au moins trois expéditions : l’Alsace (1956), le Bretagne (1957) et la Côte d’Azur (1958). Il n’y a qu’en Bretagne où ce n’était pas un voyage pour la famille de ma mère. J’avais une tante qui habitait sur la Côte d’Azur, une sœur de ma mère
(elle y habite toujours).

Chapitre 4 : Les montagnes!!!!!!

Bref, on a repris le chemin de l’Alsace après s’être arrêté à Verdun.

A un moment on a vu les montagnes. C’était la première fois que l’on voyait les montagnes de notre vie. Dans la voiture on criait : « Les Montagnes, les montagnes !». Notre père nous a expliqué que c’était les Vosges, la ligne bleue des Vosges, que c’était l’Alsace que les français voulaient « reprendre » quand mon grand-père paternel a été tué.

Personne ne savait alors que l’Alsace avait été autrichienne, avant que d’être française ; personne ne savait que la France avait alors acheté l’Alsace et la Lorraine germanophone lors d’un traité de je ne sais plus quel siècle. Avant l’Alsace appartenait aux Habsbourg.

Personne ne savait que le grand écrivain allemand Goethe avait fait ses études à Strasbourg, d’ailleurs dans ma famille et à l’école, on n’avait jamais parlé de Goethe, avant que je ne fasse de l’allemand en quatrième. Avec la facilité que j’ai eu à retenir les noms de lieux alsaciens, j’aurais pu faire de l’allemand beaucoup plus tôt.

Personne ne savait que les français ne reprenaient l’Alsace parce qu’un roi avait du payer cher pour l’acheter. Avec des deniers de l’époque. Sinon, ils n’auraient pas pu la reprendre. L’Alsace n’aurait pas appartenu à la France. Si un roi français n’avait pas acheté l’Alsace et qu’il n’avait pas fallu la reprendre mon grand-père paternel ne serait pas mort.

« Les montagnes, les montagnes !!! » C’était la première fois que l’on voyait des montagnes de notre vie. Mon père, lui, en avait vu pendant la guerre, quand il était prisonnier de guerre, du coté de l’Est de la Pologne, occupée par les allemands, dans l’Ukraine actuelle. Ma mère, elle, avait vu l’Alsace quand elle était jeune. Elle était allée parfois là-bas dans son enfance. Elle est restée un an là-bas entre l’âge de un an et l’âge de deux ans, avec sa grand-mère à elle. Elle commençait à parler français quand elle est partie en Alsace, quand elle est revenue un an plus tard, elle ne savait plus un mot de français, elle parlait alsacien, puis elle a oublié complètement l’alsacien, et ne l’a plus jamais parlé. Même étant petite ma mère disait que quand son oncle qui avait épousé une anglaise revenait d’Angleterre, et qu’il parlait une langue étrangère avec sa mère, elle ne comprenait rien, c’était de l’alsacien. Comme quoi les très petits enfants peuvent apprendre successivement plusieurs langues et les oublier complètement après.

Un jour, alors qu’on était à Lourdes, la ville miraculeuse, ma mère a crié au miracle, elle venait de comprendre complètement le discours d’un prêtre étranger qu’elle disait allemand. Moi, qui avait appris entre temps l’anglais et l’allemand, je m’étais rendu compte que c’était un prêtre irlandais. Alors depuis, je me suis dit, que ma mère a peut-être aussi vécu chez son oncle d’Angleterre, et qu’elle ne s’en souvient plus, et qu’elle aurait alors oublié à la fois l’alsacien et l’anglais. Il paraît que les langues apprises par les parents restent dans les gênes des enfants, même s’ils n’ont pas fait de langues tout petit. C’est pour cela que j’aurais eu des facilités pour apprendre l’allemand.

Ma mère nous a aussi raconté que quand elle était petite, elle était tombée dans le lavoir de Kaysersberg, et que sa grand-mère l’avait rattrapée par les pieds au moment où elle tombait et que l’eau était toute froide. Heureusement qu’elle l’a rattrapée, sinon, je n’existerais pas !!! Rien que pour cela, feu mon arrière-grand-mère aurait du être décorée.

Bon, bref : « Les montagnes, les montagnes !! » Elles se rapprochaient de plus en plus, on commençait à rouler dans des forêts de sapins, le moteur de la petite deux-chevaux grise rugissait. Mon père a dit : « On va monter le col du Bonhomme ! » Et c’est là qu’on s’est aperçu que ma mère qui était la seule originaire des montagnes (plus ou moins, elle y avait vécu pendant un an quand elle était petite) avait le vertige. Mon père avait choisi ce col là plutôt que celui de la Schlucht…. J’ai tout de suite su prononcer Schlucht, parce que mon père et ma grand-mère et même ma mère qui avait oublié l’alsacien le prononçaient bien, mon père avait appris l’allemand sur le tas pendant la guerre, c’était une langue utile aux prisonniers.. . Mon père avait choisi ce col là plutôt que celui de la Schlucht, parce qu’il était moins haut, et même s’il avait déjà été en montagne, il n’avait jamais conduit en montagne, mais à cette époque-là les conducteurs des montagnes savaient que les conducteurs des plaines étaient moins adroits que ceux des montagnes et ils ne les klaxonnaient pas. Mon père n’avait jamais conduit en montagne, mais à la vitesse où pouvait aller la deux-chevaux dans la montée, il conduisait très bien, et la montée fut longue.

Chapitre 5 : Le col du Bonhomme

Ma mère fut la seule à avoir le vertige pendant la montée du col du Bonhomme. Moi, j’étais placée derrière mon père, ma mère faisait écran par rapport au précipice qui était à notre droite, mais à un moment, mon père s’arrêta, pour faire changer ma mère de place parce qu’elle criait tout le temps qu’elle avait peur. Mon frère était devant, « à la place du mort », mais bien qu’il voyait aussi le précipice de près, il n’avait pas peur. Si ma mère était toujours assise derrière, et mon frère devant (à cette époque là, il n’y avait pas de réglementation sur les enfants qui devaient rester derrière, ni de ceintures de sécurité), c’était parce que ma mère, quand elle était devant, s’agrippait à chaque coup de frein au bras de mon père, en poussant un léger cri. Alors, bien qu’on n’avait la voiture que depuis quelques mois, ma mère avait été reléguée dans le fond de la voiture. A coté de sa fille, moi. Si bien que comme ma mère était plus grande que mon frère qui avait alors huit ans, elle me bouchait le paysage. Par contre je voyais bien le paysage en biais sur la droite de chaque coté des épaules de mon frère. Et sur la gauche, je voyais tout. Sur la gauche, il n’y avait pas de précipice.

Pourtant, je regardais sur le coté entre les sapins, car le « précipice » était couvert de sapins et ce n’était pas si impressionnant que cela, c’était comme si on était sur les pentes du Mont Noir ou du Mont de l’Enclus, ou du Mont Cassel ou du Monts des Cats, moins impressionnant même qu’au Mont des Cats, parce qu’au mont des Cats, on voit la plaine au loin.

En descendant du Col du Bonhomme on a commencé à voir les maison à colombages, avec leurs poutres marrons sur des fonds de crépis clairs. Je ne sais pas si à cette époque là, elles avaient été repeintes en couleur, c’était pas longtemps après la guerre, même si je ne l’avais pas connue ; et beaucoup de maisons, dans toute la France avaient plutôt l’air décrépies et les peintures étaient usées. Peut-être que toute petite, j’avais même vu des ruines, en allant à Dunkerque par exemple, mais je ne m’en souviens plus. Mais je me souviens qu’à certains endroits il y avait beaucoup de maisons et de quartiers rasés, avec des champs de cailloux et de briques qui recouvraient le sol. En tout cas, l’Alsace était loin d’être en ruines. Ce n’était pas le Nord.

En Alsace, tout faisait plus vieux que chez nous. Les maisons à colombages étaient archi- vielles. Je ne sais pas si on s’est arrêté à Kaysersberg à l’aller. Peut-être que mon père a dit, on repassera voir les cousines de ta mère pendant les vacances, on a le temps. Il fallait contourner une montagne pour aller au fond d’une vallée. Le but s’appelait Mittlach. On ne prononçait par contre pas le ch à l’allemande comme dans Schlucht, mais on prononçait le ch comme un k. Je savais comment on écrivait Kaysersberg depuis longtemps, peut-être depuis l’âge de trois ou quatre ans, c’était écrit derrière les cartes qu’envoyaient les cousines de ma grand-mère, c’était écrit sur les enveloppes de cartes de vœux qu’envoyait ma mère. J’ai su tout de suite écrire Mittlach. Pour Kaysersberg, on ne prononçait pas le ay comme un ai allemand mais comme un ei néerlandais.
Puis il a fallu contourner une montagne pour aller au fond d’une vallée.

Chapitre 6 : L'accident.

Je pense que c’est en traversant Munster ou Metzeral ou une ville après Kaysersberg, qu’on a eu un accident. Il me semble bien que c’était à l’aller et pas pendant les vacances. A un endroit mon père a freiné, et la voiture qui était derrière a enfoncé le pare-choc arrière de la deux-chevaux grise avec son coffre en toile. La toile du coffre n’était pas atteinte et les bagages non plus. Cela arrivait souvent que quelqu’un derrière nous enfonce le pare-choc parce que mon père freinait brusquement. Quand on nous tamponnait par derrière, je ne valsais pas par-dessus le siège de devant, bien qu’on n'avait pas de ceinture. Mais j’avais peur et je me retenais au siège devant avec les mains. Je sentais mon dos s’incurver vers l’intérieur à cause du bruit que faisait le choc. Et parce qu’on se soulevait légèrement. Après, même si je n’avais pas mal, ça me faisait drôle dans le dos pendant un moment quand même. Mon père avait fait un constat, puis on avait repris le chemin. Après s’être reposé un peu. On a du aller boire une boisson chaude dans un café, pendant que mon père faisait le constat. On était quand même effrayés, on tremblait encore de peur.

Puis on a repris la route, avec l’arrêt au café, où à cause de la peur, on avait du aller aussi rendre visite aux toilettes, ça ne me faisait plus drôle dans le dos, mes muscles s’étaient décontractés.

Chapitre 7 : Les papeteries et l'arrivée

Je sais que sur le chemin mon père nous a encore montré des papeteries que l’on a visitées pendant les vacances, il en connaissait le personnel parce qu’il venait ici pour son travail (donc, il connaissait déjà les Vosges, j’avais oublié cela au début). C’est dans ces papeteries qu’on nous a raconté pour qu’on ne se penche pas au dessus des cuves, des histoires atroces d’ouvriers qui étaient tombés dans les cuves (Ne lisez la fin de la phrase que si vous avez le cœur bien accroché !!) et étaient ressortis sous forme de papier ; Et on avait retrouvé les boutons de leur veste imprimés sur le papier. On nous en a décrit sur le papier qui était ressorti à l’autre bout de la chaîne!!! Mais je vous épargne cette description complète qui à l’âge de 5 ans, m’avait fort impressionnée !!! Et pour que je m’en souvienne maintenant, c’est qu’elle m’avait choquée. Mais à l’époque on ne prenait pas de gants quand on parlait aux enfants.

Chapitre 8 : La maison des vacances.

On est arrivé au fond d’une vallée, au bord d’une forêt, dans une maison qui était sur un terrain où il y avait deux maisons, au bord d’une rivière, je crois la Wormsa.

Dans la maison d’à coté, il y avait des enfants en vacances, mais c’était plutôt mon frère qui les fréquentait parce qu’ils étaient plus vieux que nous, et mon père parlait souvent au monsieur, qui était je crois un médecin en vacances. Mais mes souvenirs de cette maison, de la maison elle-même, sont vagues. Il me semble qu’il y avait un lit dans une alcôve, c’est peut-être là que je dormais, car quand il y avait de l’orage, je ne voyais pas les éclairs.

Juste en contrebas, il y avait ce ruisseau. On a passé le mois d’août là-bas. Je me souviens de trois jours de pluie terrible vers le 15 août. Quand on était en vacances, il pleuvait toujours aux alentours du 15 août. Et alors le ruisseau a gonflé. On a commencé à parler d’inondations dans le coin. On a du raconter des histoires atroces sur des inondations qui avaient eu lieu dans cette vallée. Et bien que la maison était sur la pente, donc, hors de portée du ruisseau, je n’avais qu’une hantise : L’inondation. Tant qu’il a plu, j’ai pleuré toute les nuits, j’appelais ma mère, » J’ai peur de l’inondation ! » Il y avait aussi des roulements de tonnerre, mais c’était l’eau du ruisseau dont j’avais peur, et pas du tonnerre. Ma mère me disait : « Il n’y a pas d’inondations ».


J’ai recherché cette maison à l’âge adulte, je crois que je l’ai plus ou moins retrouvée, mais aucune maison au bord de la Wormsa, ne ressemble vraiment au souvenir que j’en ai. J’ai campé aussi au bord du ruisseau, sur un camping qui est situé sur les pâtures où ma grand-mère donnait à manger aux chèvres. Là aussi, à un moment il s’est mis à pleuvoir, on n’était pas loin de ce fameux ruisseau, toujours le même, à une dizaine de mètres seulement, une tente de hollandais était entre nous et le ruisseau, mais j’avais encore peur. On a changé de camping assez rapidement, pour aller en plaine.

Chapitre 9 : Les cousines de ma grand-mère maternelle

Mais revenons en 1956. En août 1956 très exactement.

Mon père a été chercher les valises à la gare, trois valises, une pour ma mère, une pour mon père et la petite valise vert bouteille pour les enfants. Mais je crois que la petite valise verte qui servait aussi au voyage était dans la voiture. Il y avait encore une gare au fond de la vallée. Un ou deux jours plus tard, mes parents sont allés chercher ma grand-mère à la gare. Elle s’est installée dans sa pension de famille qui était au centre du village, on pouvait y aller à pieds en suivant la rivière. Tout de suite elle a parlé alsacien. On avait l’habitude des langues étrangères parce qu’on habitait pas loin de la Belgique flamande, donc, cela ne nous surprenait pas. Mais ça m’intriguait quand même de voir que ma grand-mère parlait avec tout le monde, cette drôle de langue où elle roulait les rrrr, et qui n’était pas gutturale, mais rocailleuse à souhait, aussi rocailleuse que le fond de la rivière. On aurait dit des pierres qui roulaient dans les chemins et sur les pentes. On ne comprenait pas ce que les gens disaient, quand ils parlaient entre eux, mais ma grand-mère nous le traduisait. Mon père qui avait fait de l’allemand pendant la guerre, comprenait un peu et nous traduisait aussi, en partie, ce qui était dit, mais avec nous les gens parlaient tous français.

Puis, on est allé à Kaysersberg voir les cousines de ma grand-mère, mais je ne m’en souviens plus bien, je me souviens mieux d’elles lorsque l’on est repassé à un retour de vacances par l’Alsace à l’âge de 14 ans. Les cousines de ma grand-mère ne venaient jamais dans le Nord. J’ai retrouvé l’une des cousines de ma grand-mère âgée de plus de 80 ans dans les années 70. Et j’ai retrouvé la trace de la doyenne de Kaysersberg, 97 ans, dans les années 90. Mais elle était dans les brumes de la sénilité. Et je ne l’ai plus rencontrée. Elle était à l’hospice dans la veille ville. Sa maison était revendue, repeinte en rose. Alors que quand j’étais retournée là-bas à l’âge adulte elle était ocre jaune.

Chapitre 10 : Les villes alsaciennes

1956 toujours… On a fait aussi des excursions.

A part la papeterie, je me souviens que je ne me sentais pas bien à Riquewihr. On entrait dans des veilles cours. Ma mère faisait des photos, qu’elle développait elle-même. Nous les enfants, on assistait parfois aux développements et aux agrandissements, à cette époque là, son père avait encore son magasin de photo aussi. Plus tard elle a envoyé une photo de la cour où je ne m’étais pas sentie bien à un concours, c’était une belle photo en noir et blanc, mais elle n’était pas contente parce qu’elle n’avait pas gagné le concours.

Ma mère développait les photos en noir et blanc dans la cave de notre première maison, elle s’y enfermait pour enlever le film de l’appareil de photos, car ils n’étaient pas dans des boitier comme les films 24x36 que l’on trouve encore aujourd’hui. Elle mettait une espèce de papier rouge sur la lampe pendant le développement et l’agrandissement. Parfois, on avait le droit de regarder, mais il ne fallait toucher à rien. Les produits chimiques qu’elle utilisait étaient dangereux, pas question de tremper son doigt dans les bacs.

A Riquewihr, je m’étais senti mal dans cette cour où il y avait un pressoir. Pourtant j’avais vaillamment résisté dans la tour que nous avions visité où on nous avait montré les oubliettes, où si on tombait dedans, on allait nous oublier pour toujours, et d’autres choses pas plus drôles. Mais la coupe était pleine, avec cette odeur de vin qui montait de partout, que l’on sentait près de ce pressoir et dans les rues. C’était l’odeur qui me rendait malade, une odeur insoutenable de vieux et de vin, et de raisin en train de macérer. Je me souviens de cette odeur qui me rendait malade comme si c’était hier. Je suis retournée à Riquewihr depuis, il n’y a plus cette odeur. Mais alors qu’en 1956 tout était désert, et que nous n’étions que de rares touristes, dans les années 90, c'était l'odeur de crème solaire de la foule de touristes que l'on sentait.

On avait visité beaucoup de villes. A Kaysersberg, il y avait l’église, et à coté de l’église, il y avait aussi un ossuaire. Avec des os humains. Dont mon grand-père qui n’était allé qu’une fois en Alsace et n’y accompagnait plus sa femme, disait que ce n’était pas vrai. Il disait en patois du Nord que ces os là était es os de veau en prononçant « des osses de veau ». Il faisait marcher ma grand-mère en disant qu’elle était née dans le brouillard. Parce que la seule fois où il était allé en Alsace, ce n’était vraisemblablement pas en été, et Kaysersberg avait été plongé durant tout le séjour dans le brouillard. Il s’y était enrhumé, et n’avait plus voulu y retourner. C’est peut-être là qu’il a chopé sa bronchite chronique, qui sait ? J’ai vu les « osses de veau ». Cela m’a intriguée, pas impressionnée.

Chapitre 11 : Les marches en montagne.

Mon père faisait sa marche tout les matins quand l’on n'était pas parti ailleurs. Il voulait conquérir des sommets, pas bien hauts, certes, mais des sommets. Nous on connaissait le sommet du Hohneck, du Grand Ballon, du Ballon de Guebwiller. On faisait toutes ces excursions avec ma grand-mère dans la deux-chevaux. Par la Route des Crêtes. On connaissait aussi le Lac Blanc et le Lac Noir, C'était drôle qu'il y ait un lac blanc et un lac noir, cela nous intriguait. J'ai su plus tard qu'il y avait aussi un lac vert.
Mais on ne faisait pas le sommet du Hohneck à pied en partant de Mittlach. Tous ces noms alsaciens, je les ai retenu dès la première audition, et je les prononçais bien; ayant appris l’allemand depuis, je n’ai pas du changer la prononciation de ces mots. Je savais aussi les écrire. A cinq ans.

En dehors des excursions, mon père faisait sa marche presque tous les matins. Il allait conquérir des sommets, parfois en compagnie d’autres vacanciers. Il a été jusqu’au Hohneck en partant de Mittlach, mais là où il avait eu de la peine, c’était pour trouver le sommet du Schnepfenried (j’ai retenu ce mot là qui m’amusait beaucoup avec la bonne prononciation), il n’arrivait pas à trouver le chemin. Alors, un jour, il est arrivé triomphant « Je suis allé en haut du Schnepfenried !! ». On était tout content pour lui, mais j’aurais aimé être de la partie. « Et nous aussi papa, on va escalader des montagnes ?? » On me répondait « Tu es trop petite ! ». Alors, du haut de mes cinq ans j’ai demandé à faire quelques promenades.

C’est là que nos parents nous ont amenés dans la vallée de la Wormsa. Et on est monté très haut, peut-être jusqu’au sommet du Hohneck, ou presque, parce qu’à un moment on ne pouvait plus aller plus loin. On a fait demi-tour pour revenir avant la nuit. En prenant un raccourci. Je me souviens qu’on était en haut d’une espèce d’escalier de géant en pierre bleutée, avec des marches très larges, et que l’on a descendu ça en sautant d’une marche à l’autre. Mon père disait à ma mère : « Fais attention à la petite ! » Quand on rentrait mon père racontait nos équipées aux gens du village. Et là, on a dit à mon père et à ma mère en les grondant et ça je m’en souviens « Mais vous êtes passés par là, c’est un chemin très dangereux ! Encore un montagnard s’y est tué le mois précédent ! » Ouh ! Là ! Que mes parents se sont fait gronder ; mais nous, on avait trouvé cela facile. Il paraît que ces pierres glissaient ; mais il ne pleuvait pas le jour où l’on est passé par là ; le montagnard avait glissé sur une pierre par temps de pluie.

Chapitre 12 : La foire aux vins et le retour de Colmar.

Et puis, il y a eu la foire aux vins de Colmar. Là mon père y est allé avec des collègues de travail, des fournisseurs comme il disait, ceux de la papeterie. Alors, nous on a suivi avec ma mère. On a regardé les stands, on a peut-être fait des tours ne manège. C’était sur une place avec des maisons à colombage tout autour. Je sais qu’à un moment on est monté dans la DS d’un collègue de mon père. C’était tellement grand une DS que l’on pouvait s’asseoir à deux devant entre les deux collègues de mon père. D’ailleurs, ça devait être un break ou une camionnette, on ne pouvait pas s’asseoir derrière. Je ne sais pas où étaient mes parents, mais on nous a reconduit en DS au fond de la vallée. On était tout fiers d’être dans la DS. C’était quelque chose une DS! Voiture de marque Citroën, comme la deux-chevaux. J’ai le vague souvenir qu’on suivait la deux-chevaux.

Revenus à la maison, on s’est couché. Mes parents étaient là, je ne sais pas comment ils étaient revenus, peut-être avec la deux-chevaux, peut-être qu’un autre collègue de mon père avait amené la deux-chevaux avec mes parents dedans, et qu’il est reparti dans la DS. Toujours est-il que le lendemain matin, on ne savait pas comment mes parents étaient revenus, ils ne s’en souvenaient pas eux-mêmes, ils ne savaient plus comment ils étaient revenus dans leur location et n’avaient des souvenirs que du début de la foire au vins. Je crois qu’on leur avait tellement fait goûter à tous les vins qu’ils en étaient devenus sous et qu’on avait reconduit mes parents, peut-être aussi ma grand-mère, avec leur propre voiture, voilà tout. En tout cas, la deux-chevaux était garée devant la porte. Et comme il n’y avait pas assez de place, on nous a reconduit, nous les enfants, en DS. C’est peut-être pour cela qu’à 18 ans, j’ai décidé de ne plus jamais boire d’alcool.

Ma mère disait encore des années après qu’ils ne savaient pas comment on était rentrés de la foire aux vins à la maison de vacances. Elle a dit qu’ils avaient du être pompette pour plus s’en souvenir.

Mes souvenirs à moi, de l’âge de 5 ans, c’est presque comme si c’était dans la nuit des temps, il y a plus d’un demi-siècle déjà…

Epilogue

Un jour après toutes ces péripéties les vacances furent terminées, vous me pardonnerez de ne plus me souvenir du voyage du retour, mais j’avais cinq ans seulement. Comme l’aller, il a dû durer deux jours, mais on ne s’est pas arrêté à Verdun. Je ne sais plus où on a dormi sur la route, ni à l’aller, ni au retour.

Dominique

1056 : Les vacances en Alsace.

En 1956, à l'âge de cinq ans, j'ai passé pour la première fois des vacances en dehors du Nord et de la Belgique. Je les raconte dans le petit témoignage autobiographique ci-dessus, que je publie le message avec le début dans le message le plus récent pour que vous puissiez lire cette petite nouvelle autobiographique de haut en bas et pas de bas en haut.

mardi, février 27, 2007

5. Où j'habitais dans mon enfance... La rue...

Dans mon enfance j'habitais dans une petite rue d'une ville industrielle. Cette ville était un grand centre textile. On habitait dans ce qu'on appelait une "maison ouvrière", bien que par sa profession mon père faisait partie des classes moyennes. Toutes les maisons étaient alignées. Il y avait des maisons de chaque coté de la rue. D'un coté notre rue donnait dans une autre rue, qui faisait la limite entre deux villes, car il s'agissait ici d'une agglomération où une vingtaine de villes se touchent les unes les autres et touchent même d'autres villes à l'étranger. C'était assez étrange, parce qu'il y avait beaucoup de barrières de douane, et je croyais qu'il y avait une frontière entre chaque ville. De l'autre coté, notre rue aboutissait dans une cour d'usine et à cet endroit, faisait un angle droit en débouchant dans une autre rue perpendiculaire. Dans ma rue, il y avait environ 30 maisons de chaque coté qui se touchaient toutes et avaient sensiblement presque toutes la même forme. Une porte et la fenêtre du salon en bas. Une vraie fenêtre en haut, qui donnait dans la grande chambre, et à coté de cette fenêtre, une autre fenêtre qui pour presque toutes les maisons avait été murée à une époque où l'on payait des impôts au nombre de fenêtres qui donnaient sur la rue. C'est d'ailleurs pour cela, que dans la région, presque toutes les maisons ouvrières ou paysannes qui datent d'une certaine époque ont des fenêtres murées.
Derrière ma rue, parallèlement à la rue, courait la voie de chemin de fer, c'étaient des trains à vapeur qui sont passés là pendant toutes les années 50. Ils faisaient beaucoup de bruit, mais j'en reparlerai.
On pouvait sortir du quartier, en passant là où il y avait l'angle à 90°, on allait vers la rue commerçante où habitait mon grand-père maternel et ma grand-mère.
Notre rue n'était pas coupée par d'autres rues, mais si on allait dans la ville d'à coté en traversant la frontière invisible - celle-ci extraordinairement n'avait pas de barrière de douane, et la ville d'à coté était dans le même pays, mais je me demandais pourquoi certaines villes avaient des douanes et d'autres pas -, si on allait dans Ville d'à Coté en traversnant la frontière invisible, on allait à l'école et à l'une des deux églises que l'on fréquentait. Et aussi vers les magasins d'alimentation qui étaient plus proches dans la ville voisine que ceux de la rue commerçante où habitait mon grand-père maternel.
L'une des rues de la ville d'à coté longeait la voie de chemin de fer, et il y avait une passerelle pour les piétons, on passait par là pour aller voir mes grands-parents.
En allant comme si on allait à l'école, et en continuant un peu plus loin on arrivait dans les beaux quartiers de Ville d'à Coté, des grandes maisons y ressemblaient à des châteaux et étaient entourés de jardin. Il y avait des arbres le long des rues et des avenues. On enviait les gens qui habitait là, mais ma mère disait que ces maisons là qui étaient souvent habitées par des médecins ou des hommes de loi, étaient trop grandes, que ce serait trop long de les nettoyer et qu'elle ne voudrait pas qu'on habite dans une maison comme celle-là.
Plus loin, il y avait deux parcs, celui de la mairie de Ville Voisine, entre deux avenues où en automne on shootait dans les feuilles mortes, et celui de Grande Ville où j'habitais qui avait en appendice dans Ville Voisine, l'un des plus beaux parcs de la région. On allait donner à manger aux canards et aux extraordinaires cygnes blancs et on y mangeait des cacahuètes qui étaient vendues par des marchands de cacahuètes et aussi des marrons chauds en automne.
Mes parents ne voulaient pas que l'on joue dans la rue. Parce que dans la rue il y avait des garnements qui jouaient et ont aurait pu y apprendre les mauvaises manières. Donc, on jouait dans le jardin. Ce jardin devait être un mouchoir de poche, mais pour deux enfants, avec parfois les voisins ou les cousins et cousines en plus, il suffisait, ma soeur n'est née qu'à la fin de cette période là, elle ne doit pas avoir beaucoup de souvenirs de cette maison où elle n'a vécu que deux ans. Le jardin était précédé d'une cour avec un égoût, le seul robinet d'eau de la maison et les toilettes au bout de la baraque qui, formant la cuisine, était rapportée à la maison. Mais on avait de la chance, car il y avait des personnes qui plus loin habitaient dans des courées et n'avait qu'une pompe à eau pour 6 à 10 maisons. Le jardin était clos par un mur d'un coté, le long duquel grandissait des lilas et de l'autre une courte barrière de béton armé était surmontée de piquet formant un grillage qui nous séparait du jardin des voisins. Au fond du jardin était le mur de la voie ferrée, surmontée d'un talus d'herbe en haut duquel passait le train. Le train passait à la hauteur du premier étage de la maison environ.
Ma rue était pavée et il poussait de l'herbe entre les pavés que moi et mon frère nous devions desherber jusqu'à la moitié de la rue.
Voilà brossé en quelques lignes, le cadre de mon enfance, jusqu'à l'âge de 10 ans.
dominique/amalia